Nitrates et eau
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Avis de FNE NA sur la révision des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates sur le bassin Loire-Bretagne

Publié le 26 mai 2021

AVIS GENERAL SUR LA REVISION DU ZONAGE DES ZONES VULNERABLES AUX POLLUTIONS PAR LES NITRATES SUR LE BASSIN LOIRE-BRETAGNE

Depuis 1997, en application de la Directive Européenne Nitrates, La France met en oeuvre un Programme d’Actions National Nitrates, décliné au niveau régional. L’application de la Directive Cadre sur l’Eau de 2000, au travers des SDAGE, prévoit également des mesures de réduction de la pollution de l’eau par les nitrates.
Malgré tout, les résultats globaux de mesure de la teneur en nitrates dans les eaux souterraines et de surface ne montrent pas d’amélioration nette en France, et particulièrement sur le bassin Loire-Bretagne.
Le sujet de la pollution de l’eau par les nitrates reste un sujet majeur particulièrement préoccupant pour la santé des êtres humains et les écosystèmes aquatiques, y compris marins.
Les nitrates constituent une véritable nuisance pour les milieux aquatiques, en contribuant fortement au phénomène d’eutrophisation des eaux, avec des conséquences négatives sur l’état et le fonctionnement des milieux, sur la flore et sur la faune. Ce phénomène est particulièrement marqué pour les eaux marines et estuariennes, avec des explosions de marées vertes
Les dépassements de la concentration maximale autorisée en nitrates dans les eaux destinées à la consommation humaine nécessitent des traitements coûteux pour produire de l’eau potable.
Les coûts liés au nettoyage des plages envahies d’algues vertes, les coûts liés aux impacts sur le tourisme, les coûts des contentieux relatifs à la pollution de l’eau par les nitrates, s’ajoutent et s’accumulent, au détriment de l’ensemble des acteurs du territoire.
Les impacts et les coûts pour la santé humaine restent largement sous-étudiés et sous-évalués.

MAINTIEN DU CLASSEMENT POUR LA PLUPART DES ZONES VULNERABLES

Malgré la politique de lutte suivie depuis plusieurs décennies aux niveaux européen, national et des territoires, la pollution n’a pas diminué. Malgré les fonds importants consacrés, elle n’a pas eu, et de très loin, l’effet escompté. Ainsi les plans tant nationaux (PAN) que régionaux (PAR), dont nous sommes à la sixième version, ont connu un échec patent, comme en témoignent les avis de l’autorité environnementale sur la révision des derniers PAR.
Sur le bassin Loire-Bretagne, le maintien d’une majorité de secteurs en zone vulnérable aux nitrates, en est une illustration évidente.

NOUVEAUX CLASSEMENTS

De même, et de façon encore plus inquiétante, ce sont de nouvelles zones qui devraient être aujourd’hui classées en périmètre de zones vulnérables. Cela permettrait de dégager des moyens pour lutter contre les pollutions diffuses, mais montre bien que la dynamique n’est pas positive.
Ces solutions restent trop ponctuelles et non systémiques, ne permettant pas de résoudre le problème à sa racine.

PERENNITE DES AMELIORATIONS SUR LES ZONES DECLASSEES

Nous le constatons, étant donné la rémanence dans les sols des nitrates, les améliorations, même lorsque des mesures sont mises en place, n’apparaissent que très lentement. Il est encourageant de voir que quelques zones sortent du classement en zones vulnérables aux nitrates, mais sur ces secteurs la question de la pérennité des améliorations obtenues se pose.
Un classement intermédiaire de «consolidation» serait nécessaire pour éviter des régressions une fois les niveaux de nitrates redescendus sous les seuils maximum autorisés. Si les moyens mobilisés pour accompagner les agriculteurs concernés dans l’amélioration et le maintien de bonnes pratiques se tarissent, les risques de voir les taux de nitrates augmenter à nouveau sont bien réels.
La contestation, par certains acteurs sur le bassin Loire-Bretagne, des mesures à mettre en oeuvre pour éradiquer les pollutions dues aux nitrates et consolider les diminutions obtenues, augmente les risques de contentieux, au niveau local mais aussi national et européen.

 

AVIS GENERAL SUR LA STRATEGIE DE REDUCTION DES POLLUTIONS DIFFUSES

Les pollutions diffuses qui impactent le bon état des eaux sont essentiellement les herbicides et les nitrates. Les désherbants systémiques et l’azote minéral concourent l’un et l’autre, et en se renforçant, à la destruction de la vie dans les sols. Ainsi, l’utilisation de désherbant systémique augmente le besoin de fertilisation sur les sols dégradés par des cultures intensives.
Le manque d’accompagnement, d’information et de formation des agriculteurs face à l’enjeu des sols vivants est un facteur majeur dans ce cercle vicieux : sols inertes, érosion, lessivages, dépendance à l’irrigation, etc…Vu l’incapacité de l’Etat - et des chambres d’agriculture - à produire et mettre en oeuvre un programme de restauration et de régénération des sols à la hauteur des enjeux, nous ne pouvons que constater, tous les 4 ans, que le mauvais état des sols agricoles perdure.

Au point que l’état dégradé des sols agricoles génère une pénurie d’eau de plus en plus marquée. Il existe en effet un lien direct entre le mauvais état écologique des sols, la disparition toujours plus marquée de l’arbre hors forêt et des haies, et le déficit quantitatif.
Les plans d’actions nitrates ne sont qu’un des moyens de la lutte contre les pollutions par les nitrates et ne sont pas suffisants pour obtenir des gains significatifs. La réduction de la pollution de l’eau par les nitrates doit avant tout passer par un changement d’ampleur des pratiques et systèmes agricoles. Cela permettrait en en outre d’agir sur les autres polluants d’origine agricole et leur cohorte de métabolites dont par exemple le métolachlore ESA (CGA 354743) (cf. AVIS de l’ANSES du 14 janvier 2021).
Devant ce constat désolant du maintien d’une pollution nocive pour l’être humain et les écosystèmes, il convient d’accroître et de renforcer significativement les politiques de lutte contre les pollutions par les nitrates en se dotant de nouveaux leviers réglementaires plus efficients, en mobilisant autrement les fonds alloués, en orientant mieux économiquement et techniquement cette politique qui depuis des décennies est un échec eu égard aux moyens engloutis.
Étant donné la connaissance actualisée de l’importance de la biodiversité faunistique et floristique pour les sols, la couverture permanente des sols doit être exigée dans les zones vulnérables, et les labours formellement interdits. Les formations arborées et arbustives doivent être réintégrées au sein des paysages des bassins versants pour augmenter le temps de résidence de l’eau et réduire l’érosion des sols. Les nitrates de synthèse devraient être interdits sur les sols inertes (lorsque l’activité biologique du sol est trop faible pour retenir l’eau, la terre et les nitrates au pied de la plante).
Les désherbants systémiques détruisent la vie dans les sols qui deviennent moins humifères et moins fertiles, ce qui les rend d’autant plus dépendants des fertilisants minéraux, qui seront lessivés au premier arrosage ou pluie.
Les sols ont été massivement dévitalisés par l’utilisation des désherbants systémiques, et laissés nus exposés au soleil, en ignorance du cycle du carbone. Sans sols vivants, le cycle du carbone ne s’installe pas, et donc le cycle de l’azote généré par les mycorhizes non plus. L’apport d’azote minéral semble alors la solution mais elle n’est qu’une illusion puisqu’elle ne résout en rien le problème fondamental auquel est confronté l’agriculture intensive, et au contraire le renforce.
La seule solution réelle est une solution holistique, intégrée, permettant de passer à une agriculture du «vivant en bonne santé», qui comprend et intègre le fonctionnement des écosystèmes au service de sa pérennité.
L’agroécologie est une véritable révolution pragmatique : elle est fondée sur le vivant, sur la biodiversité, sur la préservation des habitats pour la faune et la flore, sur les sols vivants fonctionnant avec le cycle du carbone. C’est une agriculture du vivant qui promeut les agroécosystèmes.
Les nombreux programmes lancés pour une transition vers l’agroécologie sont malheureusement restés pour l’instant à la marge des pratiques agricoles, par manque de moyens et d’ambition.
Les méthodes fondatrices de l’agroécologie sont diffusées depuis quelques années dans les lycées agricoles et autres établissements de formation. Néanmoins, il y a une grave carence de formateurs compétents en agroécologie. Des moyens doivent être mobilisés en ce sens.


ORIENTATIONS PORTEES PAR FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT

Il faut avant tout analyser localement les raisons des échecs et nouveaux classements, car il n’y a pas d’uniformité et il est contre-productif de généraliser. Cependant, aux niveaux national et communautaire, France Nature Environnement défend certains grands principes d’action, indissociables des stratégies locales :

Renforcer les programmes d’actions pour qu’ils soient à la hauteur des objectifs d’atteinte du bon état des masses d’eau :

  • Reconnecter les programmes d’actions aux objectifs d’atteinte du bon état des masses d’eau ;
  • Améliorer l’efficacité de l’évolution des pratiques et ses impacts sur la qualité des masses d’eau ;
  • Renforcer les moyens de contrôle des activités et de suivi de l’état des masses d’eau ;
  • Poursuivre les mesures de réduction du transfert de nitrates et accompagner plus fortement la transition agroécologique par le biais des programmes d’actions nitrates.

S’appuyer sur des leviers réglementaires, économiques et financiers pour réduire à la source la pollution de l’eau par les nitrates :

  • Interdire toute dérogation aux taux maximum de nitrates dans l’eau potable ;
  • Appliquer le principe pollueur-payeur ;
  • Favoriser les pratiques agricoles limitant la pollution par les nitrates ;
  • Mettre en application le dispositif ZSCE (Zone Soumise à Contraintes Environnementales) ;
  • Améliorer la connaissance sur les coûts liés à la pollution de l’eau par les nitrates ;
  • Produire de façon systématique des cartes départementales à jour indiquant les taux de nitrates dans l’eau, et favoriser la sensibilisation sur le sujet grâce à une accessibilité facile des données.

Construire une PAC plus durable, plus efficace et respectueuse de l’environnement, en accord avec les objectifs environnementaux des Directives Européennes (DCE, DCSMM, nitrates, habitats faune flore, etc.) et la convention OSPAR :

  • Impulser un changement profond du système agricole via la conditionnalité de la PAC ;
  • Consacrer 50% du budget du deuxième pilier à l’environnement ;
  • Mettre en place des aides couplées aux légumineuses ;
  • Baser les aides sur le nombre d’équivalents temps plein par exploitation agricole et non plus sur le nombre d’hectares cultivés.

Pour télécharger l’avis de FNE NA sur la révision des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates sur le bassin Loire-Bretagne.

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