Pétition : Pour un moratoire en forêt usagère de la Teste de Buch
« La forêt girondine vient de payer un lourd tribut au changement climatique en cours : 27400 hectares incendiés, dont 7000 hectares à La Teste de Buch (forêt usagère, forêt domaniale et forêt privée). Parmi toutes ces forêts endommagées ou détruites, la forêt usagère de la teste de Buch est originale, tant sur le plan écologique et génétique, que sur le plan historique vu son mode de gestion qui a perduré depuis le moyen âge.
La population de pin maritime de La Teste de Buch remonte aux premières installations de l’espèce succédant au recul des grandes glaciations. Régénérée naturellement, peu affectée par le mode de gestion traditionnel, génétiquement peu modifiée par des apports extérieurs (quasi absence de plantations), cette population témoigne de plusieurs millénaires d’adaptation aux conditions écologiques locales. C’est avec les semences récoltées à La Teste et sur d’autres populations anciennes du littoral que furent fixées les dunes et crée la grande forêt des Landes de Gascogne.
Installée sur de vieilles dunes paraboliques, mélange irrégulier de pins autrefois gemmés, de chênes, d’arbousiers et de houx, cette forêt héberge une biodiversité originale très supérieure à celle rencontrée dans les lignicultures modernes. C’est une «forêt ancienne» et la plus grande des «vieilles forêts» d’Aquitaine. Dès 1977, à l’initiative de la SEPANSO (association de protection de la nature en Aquitaine), cette biodiversité a fait l’objet d’inventaires scientifiques et d’une demande de classement d’une partie de la forêt usagère en réserve naturelle, malheureusement non suivie d’effet en raison de la complexité de son statut juridique.
Alors que ce milieu porte en lui toutes les dynamiques qui conduiront à sa renaissance et que des repousses vertes apparaissent déjà sur les feuillus, les premières déclarations politiques jusqu’au plus haut niveau de l’Etat font craindre un emballement dans la tentative de reconstitution artificielle et de dénaturation de cette forêt plus que bimillénaire.
Toute intervention mécanique lourde porterait un coup fatal à ce trésor de biodiversité enfouie, qui ne demande qu’à renaître pour peu qu’on lui en laisse le temps.
Aujourd’hui il est urgent d’éviter les coupes et débardages mécaniques injustifiés qui ajouteraient à l’incendie de nouvelles perturbations inutiles. Il convient de limiter strictement les exploitations aux arbres présentant des risques sanitaires avérés, donc de réaliser un inventaire et une expertise scientifique de l’état de la forêt. Pour laisser avant tout la forêt se régénérer naturellement et la faune retrouver son habitat.
C’est pourquoi les signataires, issus de la communauté scientifique, appellent à un moratoire pour prendre le temps de la réflexion et de la concertation, afin de décider des actions de restauration écologique à conduire et préciser leur localisation. »
Signataires:
Alexis Ducousso, Ingénieur de recherche INRAe (Bordeaux-Forêts) à la retraite
Michel Arbez, Directeur de recherche INRAe (Bordeaux-Forêts) à la retraite
Dominique Guyon, Ingénieur de recherche INRAe (Bordeaux) à la retraite
Jean-Marie Froidefond, Chargé de recherche CNRS à la retraite
Patrick Point, Directeur de recherche émérite au CNRS
Xavier Chevillot, Docteur en Ecologie fonctionnelle
Rémy Petit, Directeur de recherches INRAe, écologue et biologiste de l’évolution, spécialiste des arbres forestiers
Jean-Pierre Wigneron, Directeur de Recherche INRAe
Philippe Ciais, Directeur de recherche au Laboratoire des sciences du Climat et de l’Environnement, Membre de l’Académie des Sciences
Myriam Heuertz, Directrice de recherche INRAe
Emmanuel Corcket, Professeur Aix-Marseille Université, IMBE
Thierry Gauquelin, Professeur émérite Aix-Marseille Université
Isabelle Chuine, Directrice de recherche CNRS
Xavier Morin, Directeur de recherche en écologie forestière au CNRS
Oliver Brendel, Chercheur en écophysiologie forestière