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Cogest'eau : déposition de FNE NA
Déposition de FNE NA sur l’Autorisation Unique Pluriannuelle de prélèvement sur le périmètre de l’OUGC de Cogest’eau.
Monsieur le commissaire enquêteur, France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine, comme le prévoit le code l’environnement, vous fait part de ses observations sur l’enquête publique qui se déroule du 24 octobre 2025 à 9 h au 24 novembre 2025 à 17 h 30 dont l’objet est : L’Autorisation Unique Pluriannuelle de prélèvement sur le périmètre de l’OUGC de Cogest’eau pour une durée de 15 ans maximum et portant sur 50 Mm3 d’eau (toutes périodes et tous types de prélèvements inclus).
CONTEXTE
Le 20 avril 2017, une première Autorisation Unique de Prélèvement (AUP) a été délivrée par arrêté préfectoral. Suite à l’action en justice de Nature Environnement 17, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, de Charente-Nature, et des Fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique de Charente et de Charente-Maritime, cet arrêté préfectoral a été annulé par un jugement du 9 mai 2019 du tribunal administratif de Poitiers avec effet différé au 1er avril 2021. Les volumes autorisés en 2017 ont été jugés très nettement supérieurs aux volumes réellement consommés par les irrigants et l’étude d’impact très insuffisante. L’annulation de l’arrêté a été confirmée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux le 15 juin 2021, qui a constaté l’absence de base scientifique rigoureuse pour autoriser des prélèvements près de 47,4 Mm3.
Après plusieurs décisions de justice, Cogest’eau a été mise en demeure de régulariser la situation. C’est la raison de cette nouvelle demande d’autorisation de prélèvement.
Suite à l’étude du dossier présenté à l’enquête publique, nous observons que les volumes sollicités par cet OUGC sont globalement de 50 Mm3 (supérieurs à ceux jugés par le Tribunal en 2019) alors que les irrigants ont utilisé en moyenne 25 Mm3 par an (2013/2022).
Nous nous interrogeons sur le projet porté par CoGEST’eau. Sur le fond, nous observons que cette demande est disproportionnée par rapport aux prélèvements réels des irrigants et ne respecte pas les décisions de justice du tribunal administratif de Poitiers et de la cour d’appel de Bordeaux. Le porteur de projet indique : la notification des volumes prélevables de mai 2020 du préfet coordonnateur reste la référence du volume maximal disponible pour le cadrage des besoins dans les premières années de l’AUP. L’OUGC n’a donc pas tenu compte des jugements prononcés antérieurement.
OBSERVATIONS
Sur l’enquête publique
- Après plusieurs recherches infructueuses, nous tenons à vous signaler que l’accès aux documents de cette enquête publique est uniquement possible sur le site de la préfecture de la Charente. Aucune présentation de ce dossier n’est faite sur les sites des autres préfectures concernées par le périmètre de l’OUGC. Ce manquement nuit grandement à la bonne information et à la participation du public (CE : Article L123-1 Modifié par Ordonnance n°2016-1060 du 3 août 2016 - art. 3)
- Sur le site de la préfecture de Charente, l’accès aux documents de cette procédure est problématique. Il nécessite un temps de recherche important et nuit à la bonne participation du public : chemin d’accès : Accueil Actions de l’État Environnement - Chasse - Eau - Risques DUP - ICPE - IOTA Angoulême, page 2) n’est pas très intuitif.
- Dans les documents présentés, nous n’avons pas trouvé l’avis de la CLE du SAGE. Pour information : Un des rôles majeurs de la CLE est d’émettre des avis consultatifs sur les projets et décisions susceptibles d’impacter la ressource en eau et les milieux aquatiques dans le périmètre du SAGE. Conformément à l’article R.214-10 du Code de l’environnement, la CLE est consultée sur les dossiers d’autorisation au titre de la loi sur l’eau. Ces avis permettent de vérifier la compatibilité des projets avec les objectifs du SAGE. Cette absence d’avis nuit gravement à la bonne information du public.
Sur le bassin versant
- L’ensemble du bassin versant est classé en Zone de Répartition des Eaux (ZRE), ce qui atteste d’un déséquilibre durable entre la disponibilité de la ressource en eau et les besoins des usages humains ainsi que des milieux aquatiques.
- Selon les études réalisées par l’EPTB (Explore 2070) le bassin versant de la Charente fait face à une vulnérabilité très forte face au changement climatique, notamment en ce qui concerne la disponibilité des eaux de surface et souterraines. Une baisse de 30 % du débit des rivières, et jusqu’à -15 % de précipitations efficaces sont envisagées ainsi que des sécheresses sévères 7 à 8 années sur 10, avec des risques de dégradation des milieux
aquatiques à l’horizon 2050.
Une demande d’autorisation de prélèvements sur les quinze prochaines années ne semble pas réaliste compte tenu des prévisions climatiques sur ce bassin versant.
Sur la justification du projet
Volumes : Dans le dossier on peut lire : « les volumes sollicités par l’OUGC pour cette nouvelle AUP sont basés sur les besoins en eau exprimés par les irrigants situés sur son périmètre de gestion (P16 RNT) ». Nous constatons que, selon le porteur de projet, les volumes sollicités sont déconnectés des réelles disponibilités en eau du milieu.
Durée : La demande d’AUP porte sur 15 années. COGEST’Eau indique que cette durée est « en conformité avec l’ampleur, le sérieux, l’ambition mais également le coût du projet ». Visiblement, la connaissance de la ressource en eau et des perspectives de changement des régimes hydriques n’est pas la base de la réflexion pour déterminer la durée de cette autorisation.
Economie : Il est indiqué dans ce dossier : « Ces besoins sont l’expression de la nécessité d’accéder à l’eau afin de maintenir une agriculture pérenne sur le territoire de l’OUGC ». Nous rappelons que les surfaces irriguées ne représentent que 8 % de la SAU du territoire (20 951ha) pour environ 5 % des agriculteurs du bassin versant (500 irrigants). Il faut donc nuancer
ces propos. https://www.charente2050.fr/?page_id=58
Sur l’environnement et la biodiversité
Le réseau hydrographique de ce territoire est important, avec environ 2 300 km de cours d’eau et des zones humides. Ces habitats naturels présentent une grande richesse en biodiversité (faune, flore). 16 sites Natura 2000 en lien avec les cours d’eau sont présents sur le périmètre de l’OUGC. Or avec 57 % des prélèvements totaux sur le bassin, l’irrigation participe aux assecs à sec induits (Charente amont et Aume couture principalement) avec des impacts très forts sur la biodiversité des milieux aquatiques. La préservation de l’alimentation en eau potable, et des activités dont celles liées aux ressources conchylicoles et halieutiques est également cruciale sur ce bassin.
L’étude propose d’autoriser un volume global de 33,072 Mm3 d’eau superficielle et d’y ajouter 6,11 Mm3 de volumes de printemps, soit beaucoup plus que les prélèvements totaux actuels (25 Mm3/ an entre 2013 et 2022). Cette demande nous parait en contradiction avec le Code de l’environnement pour ses impacts sur les milieux naturels ainsi que contraire aux objectifs de la France de réduction de 10 % des prélèvements en eau d’ici 2030.
https://www.info.gouv.fr/grand-dossier/preservons-notre-ressource-en-eau/les-53-mesures-du-plan-eau
Aujourd’hui la qualité de l’eau de ce bassin versant est extrêmement préoccupante. Les pollutions diffuses dans l’eau, notamment d’origine agricole, ont des impacts sur les organismes aquatiques, sur l’ensemble des milieux naturels ainsi que sur l’eau potable. Les prélèvements en eau superficielle pour l’eau potable posent de plus en plus de problèmes aux distributeurs avec les dépassements de normes réguliers. Le changement climatique et la réduction de la ressource en eau (notamment en été) vont accentuer ce problème par effet de concentration des pollutions diffuses. L’irrigation joue un rôle crucial dans le transfert des pesticides vers les eaux superficielles et souterraines, des engagements de réductions de l’utilisation des pesticides auraient dû être pris dans ce dossier.
CONCLUSION
FNE NA, eu égard aux observations formulées, donne un avis défavorable à la demande d’autorisation unique pluriannuelle de prélèvement porté par Cogest’eau en l’état.
- La demande de prélèvement global de 50 Mm3/an est disproportionnée au regard des prélèvements actuels pour l’irrigation agricole. Elle ne reflète pas les efforts réalisés par les irrigants pour réduire leur consommation : 23,2 Mm3 /an en moyenne pour les 6 dernières années (tableau page 141 Etude d’impacts), soit moins de la moitié de ce qui est demandé.
- Cette demande d’augmentation des volumes autorisés n’est pas compatible avec la diminution de la ressource en eau ni avec le Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau de la France.
- Les volumes demandés auraient dû être calculés pour respecter une gestion équilibrée de la ressource en eau demandée par le SDAGE, et non pas basés sur les demandes des irrigants comme cela est clairement indiqué dans ce dossier.
- Cette étude n’identifie pas les méthodes à mettre en place pour préserver le bon écoulement des cours d’eau ni pour atténuer les impacts des prélèvements en eau sur le milieu naturel, notamment sur les zones humides.
- Cette demande en eau doit est incomplète et doit être assortie de mesures fortes pour changer de modèle agricole conformément aux orientations du SRADDET. La poursuite des prélèvements en eau pour l’irrigation sur ce bassin implique des modifications profondes des pratiques agricoles pour rétablir l’hydraulique du bassin versant grâce aux solutions basées sur la nature : (restauration des prairies, suppression du drainage, plantation de haies, création de talus, renaturation des cours d’eau…). Aucun engagement individuel des irrigants vers l’agroécologie n’est indiqué dans ce dossier, ce qui n’est pas acceptable.
- Cette autorisation de prélèvement est également incomplète et doit être assortie d’engagements sur la réduction importante de pesticides.
- La durée de 15 ans n’est pas acceptable face aux incertitudes des impacts du changement climatique sur ce territoire.
- Nous avons de grandes craintes sur la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable de ce territoire dans les années qui viennent ainsi que sur la pérennisation des activités conchylicoles et halieutiques. Cette étude ne prend pas suffisamment en compte ces aspects.
Monsieur le Commissaire Enquêteur, FNE NA vous remercie d’avance de reprendre ses observations et l’avis qui en découle dans vos conclusions. FNE NA considère, par ailleurs, que l’intégralité de ses observations devraient nourrir la dépose d’un éventuel nouveau dossier, intégrant la réévaluation des volumes demandées, le passage de la durée de l’autorisation à 5 ans et la précision des changements des pratiques agricoles avec des d’engagements pour les mettre en œuvre.