La mer en débat : le cahier d'acteur de FNE NA
FNE NA rappelle que l’ambition première de la planification est le bon état écologique et le développement soutenable des usages dans le respect de celui-ci. Elle constate que le milieu marin de la façade Sud Atlantique est insuffisamment connu et ce qui est connu n’est pas en bon état. Les perspectives d’évolutions climatiques et l’extension des usages en mer accroissent le risque de dégradation : une évaluation environnementale stratégique du projet de planification et de ses 2 volets stratégique et opérationnel est indispensable.
FNE NA demande :
- L’amplification et la diffusion pédagogiques des études et recherches sur le milieu marin de la façade Sud Atlantique,
- Une ambition plus volontariste pour atteindre le bon état, la protection de 30% de l’espace maritime, en clarifiant la portée juridique des statuts de protection listés dans la loi (L 334-1 CE) et ainsi adapter la protection aux enjeux.
- et au moins 10% de l’espace marin en zone de protection forte dont certaines en protection stricte, en complétant les propositions formulées par l’Etat,
- Une planification des efforts de sobriété de tous les usages,
- A partir de ces éléments, une planification spatiale adaptative et progressive des usages, des aires marines protégées, et des zones de protection forte et stricte, des paliers permettant une visibilité pour les maîtres d’ouvrage et leurs financeurs et des consultations régulières du public, au plus proche du terrain.
Pour mémoire, FNE NA s’oppose à la localisation actuelle du projet AO7 Eolien Oléron et de tout déploiement de parcs éoliens dans des aires marines protégées alors qu’il est possible de s’en écarter, et que l’accroissement des efforts de sobriété énergétique à tous les niveaux n’ont été ni explorés ni planifiés.
UNE PLANIFICATION POUR LE BIEN COMMUN, LE BON ÉTAT ÉCOLOGIQUE DU MILIEU MARIN
Le milieu marin, richesse stratégique locale, pour la façade Atlantique et l’Europe
Avec les îles, les marais littoraux, les estuaires, le bassin d’Arcachon, le plateau continental, son talus et au sud ses canyons sous-marins, les structures rocheuses carbonatées, le dôme du Golfe de Gascogne, etc., les grands ensembles géomorphologiques de la façade Sud Atlantique jouent un rôle fondamental à l’échelle de l’Atlantique et au-delà : forte productivité biologique des vasières et estuaires, premier site d’Europe pour l’ostréiculture et en France pour la mytiliculture, pour l’hivernage des oiseaux limicoles, sites et couloirs d’importance internationale pour les espèces migratrices (oiseaux, mammifères, poissons…) et l’avifaune marine, zone majeure pour les frayères et nourriceries de nombreuses espèces. Du bon état de ces écosystèmes dépendent les ressources halieutiques, la beauté et l’attractivité des paysages marins et littoraux : c’est un enjeu stratégique pour l’avenir.
État écologique actuel : bon état non atteint, mais partiellement méconnu, menacé
Selon l’avis de tous les experts qui se sont exprimés lors de ce débat, l’état des eaux marines est en grande partie inconnu. Et pour ce qui est connu, bon nombre de compartiments biologiques sont en mauvais état. En cause : les impacts des usages maritimes, auxquels se rajoutent les effets de l’interface terre-mer et du changement climatique.
L’évolution cumulée des usages actuels avec l’arrivée de nouveaux usages, conduit à une pression accrue sur les écosystèmes. Si nous n’arrivons pas à éviter les impacts, puis à les réduire fortement, la compensation est illusoire. Ceci est une menace pour les trois composantes vivantes de l’écosystème marin : le fond de la mer (benthos), la colonne d’eau, la colonne d’air, et pour les usages dépendant du bon état écologique, structurant paysages et vie locale (pêche, conchyliculture, tourisme, activités de pleine nature par exemple).
UN INVESTISSEMENT D’AVENIR : LA PROTECTION DU MILIEU MARIN
Les experts s’accordent : les aires marines protégées, avec un statut et une gestion robustes, sont un atout majeur pour l’atteinte du bon état écologique des eaux marines et la résilience des espaces et espèces aux perturbations dont le changement climatique. A ce jour, pour la façade Sud-Atlantique, il n’existe pas d’évaluation de l’efficacité de la protection de ces différents sites. Pour certains d’entre eux, le niveau de protection n’est pas à la hauteur des enjeux : protection des estuaires et des espèces amphihalines par exemple. D’autres sites remarquables pour leur biodiversité ne bénéficient pas encore de statuts de protection : gouf de cap Breton par exemple.
Nos demandes :
- Compléter le réseau des sites protégés par les sites déjà identifiés par la communauté scientifique (voir ci-après encadré), et par de nouveaux sites au fil des progrès de connaissances, en suivant l’avis du Conseil scientifique du Conseil Maritime de Façade (CMF), du Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel (CSRPN) et de la communauté associative,
- Renforcer la pédagogie sur la protection pour l’adhésion du plus grand nombre,
- Tendre progressivement pour le milieu marin de la façade Sud Atlantique vers les deux cibles de la stratégie nationale : 30% de l’espace maritime protégé, dont au moins 10% en zones de protection forte au sein ou à l’extérieur des zones actuellement protégées, en déclinant l’ambition européenne de protection stricte et en allant au-delà des 3% proposés pour la façade,
- Concerter méthodiquement cette progression, évaluer objectivement et en continu l’efficacité de la protection, avec les usagers, avec un accompagnement économique, social et technologique à la hauteur de l’exigence de protection.
- Nous demandons que la loi soit appliquée, avec les contrôles adéquats et qu’aucun usage, tel que la pêche, la production d’énergie, l’extraction de granulats, les projets portuaires ou urbanistiques, ne menace les espaces protégés. Nous demandons que les installations industrielles tels que les parcs éoliens soient exclus des sites Natura 2000, pour lesquels la France s’est engagée auprès de la communauté européenne. Nous demandons de restaurer ce qui est dégradé et de protéger ce qui est en bon état et non de choisir entre les deux pour cumuler de nouveaux impacts et aggraver la dégradation.
LA SOBRIÉTÉ : PLANIFICATION À INCLURE FORMELLEMENT DANS LES DSF
Selon le 6e rapport du GIEC – résumé pour décideurs, la sobriété, c’est « l’ensemble des mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter l’utilisation d’énergie, de matériaux, de terres et d’eau tout en garantissant le bien-être de tous dans le cadre des limites planétaires ». Elle offre des bénéfices multiples, écosystémiques, économiques, sociaux et peut être mise en oeuvre tout de suite, sans attendre d’hypothétiques technologies futures.
Le débat public ne dit rien sur l’intégration de la sobriété dans la planification de chaque secteur d’activité, et des productions locales et citoyennes, qui pourraient permettre des économies d’infrastructures coûteuses. Or, c’est une démarche bénéfique pour toutes les activités utilisant des ressources (énergie, matériaux, terres, eau…).
Nos demandes :
- Inscrire le principe de sobriété dans la planification et le décliner pour et avec chaque usage du milieu marin, suivi et accompagné par l’Etat, les collectivités territoriales, et les entreprises.
- Le raisonner par filière incluant les consommateurs : pêche, conchyliculture, tourisme, activités portuaires, et maintenant énergie avec une forte incitation pour des règles, chartes ou labels spécifiques à la façade.
Sans cette planification de la sobriété, le besoin de 45 GW en mer mobilisant de vastes espaces, ne peut être compris.
Nous demandons que le gigantisme des besoins estimés en énergie éolienne marine soit revu en incluant une progressivité adaptative fonction des efforts de sobriété et de production d’énergie pilotées par les citoyens.
PLANIFICATION DES USAGES, LES PRIORITÉS : activités terrestres perturbant le milieu marin et littoral, pêche, extractions, énergie.
Au-delà des principes ci-dessus avancés, nous saluons l’effort de la CNDP pour les différentes animations. Les outils cartographiques, laborieux pour des non-initiés, les ateliers pour croiser des couches d’information, ont pour seul intérêt de faire se rencontrer et mieux se comprendre les différents usagers et publics et de proposer des principes. Il est cependant illusoire et fortement regrettable de laisser croire au public qu’il peut maîtriser la somme de connaissances nécessaires, évaluer les incertitudes, et in fine prendre les risques de la décision : un travail stratégique et pédagogique plus approfondi est nécessaire nourri par le débat.
Nos demandes :
- Intégrer les objectifs environnementaux pour le milieu marin dans les SDAGE, le SRADDET, les PLAGEPOMI etc et prévoir des bilans réguliers (annuels?) de leur application réciproque, cohérente avec l’objectif de bon état.
- Promouvoir et soutenir une filière pêche compatible avec le bon état du milieu marin (prélèvements et aval de la filière, y compris consommateurs), en se fondant sur les analyses « risque pêche », en accompagnant les professionnels, et en adaptant les infrastructures aval à une pêche de qualité (voir scénarios AFTERRES) préservant les habitats, les mammifères et oiseaux marins.
- Identifier, hiérarchiser et phaser les zones potentielles pour la production d’énergie, hors aires protégées et couloirs de migration marins et aériens (statut de trame bleue marine à créer), compatibles avec une pêche durable, voire d’autres usages comme l’aquaculture
- Exclure les activités industrielles destructives des aires protégées ou fonctionnelles pour les écosystèmes, ou bien incompatibles avec celles-ci, conformément à la Directive européenne RED III.
- Sur cette base, et avec les principes de protection et de sobriété ci-dessus proposés, nous demandons aux pouvoirs publics de procéder à une étude stratégique en bonne et due forme, incluant la progressivité de ces dynamiques enchevêtrées, avec une évaluation environnementale continue conformément à la loi.
GOUVERNANCE
Les conseils de gestion des parcs naturels marins, et autres sites protégés, s’avèrent les seules structures de gouvernance suffisamment proches de l’opérationnel pour que les différentes parties prenantes échangent et se comprennent en continu, même s’il existe des limites.
Le Conseil Maritime de Façade, ses différentes commissions, le groupe Terre Mer, sont beaucoup trop éloignés du terrain, avec un faible niveau d’écoute des parties prenantes.
Nos demandes :
- Soumettre toute planification à une évaluation environnementale stratégique préalable et continue
- Enrichir la gouvernance trop limitée du CMF en se rapprochant du terrain et en renforçant les liens terre-mer à l’image de la gouvernance des parcs naturels marins qui pourrait être étendue plus largement à l’échelle de la façade : par exemple en animant un réseau de structures adéquates et en renforçant l’éducation à l’environnement marin, en rendant plus opérant l’avis conforme des Parcs naturels marins et leur capacité à s’auto-saisir de tout projet concernant la qualité des eaux de leurs bassins versants
- Favoriser les groupes de travail sincères au-delà de rencontres où seules les postures s’expriment
- Prolonger le vaste effort de la CNDP par une concertation continue et productive déclinée au plus proche du terrain et des espaces maritimes
- Suivre en continu l’évolution du milieu marin et les progrès de sobriété, les impacts des activités
Consultez l’intégralité du cahier d’acteurs rédigés par FNE NA.