La politique de l'eau en Nouvelle-Aquitaine
Le 28 avril 2017, le Conseil Régional a lancé une concertation sur la politique de l’eau en Nouvelle-Aquitaine.
FNE Nouvelle-Aquitaine, au côté des associations régionale des fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique de Nouvelle-Aquitaine, d’Inpact (Initiative pour une agriculture citoyenne et territoriale) et de l’union fédérale des consommateurs, ont produit une note d’analyse sur la politique de l’eau en Nouvelle-Aquitaine.
De la présentation de l’état des lieux le 28 avril 2017 à Bordeaux, à laquelle était invité l’ensemble des
acteurs de l’eau, nous retenons en particulier :
- Des rivières globalement dégradées, les causes de cette dégradation étant multiples et liées à de nombreuses altérations du fonctionnement hydrologique et de la morphologie des rivières, des prélèvements trop importants ainsi que de nombreux rejets polluants, principalement diffus ;
- Des eaux souterraines qui représentent une ressource stratégique pour la Région, soumises à des pressions importantes (pollutions par les nitrates et pesticides, déséquilibre quantitatif) ;
- Un état général des eaux côtières dégradé autour des grands estuaires de la Région (Gironde, Seudre, Charente) ;
- Des zones humides qui fournissent de nombreux services aux territoires, mais qui, malgré les dispositifs de protection existants, continuent de disparaître chaque jour ;
- Des écosystèmes qui accueillent des espèces patrimoniales qui restent fortement vulnérables et soumises à de nombreuses pressions tout au long de leur cycle de vie.
Les SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux) des bassins Loire-Bretagne et Adour Garonne sont les documents de planification de la gestion des ressources en eau, et des milieux aquatiques, applicables sur le territoire de la Nouvelle Aquitaine. Leurs orientations et dispositions répondent aux objectifs des directives européennes, et en particulier de la DCE (Directive Cadre Eau).
Pour nos organisations, le respect de la DCE et des SDAGE est un prérequis à toute intervention politique dans le domaine de l’eau en Nouvelle-Aquitaine.
A nos yeux, les principes généraux à retenir sont :
- Intégrer les enjeux de l’eau, et ce, de manière transversale, dans toutes les politiques publiques,
- Concerter, suivre et évaluer les politiques de l’eau mises en place,
- Appliquer la réglementation en vigueur,
- Gérer la ressource par bassins-versants, de manière équilibrée et concertée,
- Donner la priorité des usages à l’alimentation en eau potable et aux milieux aquatiques (Cf. article L. 210-1 du Code de l’environnement),
- Adapter les usages à la disponibilité de la ressource,
- Privilégier la sobriété des usages de l’eau,
- Ne pas détériorer l’état écologique des cours d’eau,
- Rétablir la continuité écologique,
- Privilégier le préventif au curatif,
- Appliquer le principe « pollueur-payeur »,
- Appliquer la doctrine ERC (Eviter, Réduire, Compenser) pour limiter les impacts des projets,
- Eco-conditionner les aides publiques.
Pour télécharger la note de FNE NA sur la politique de l’eau
La gestion de la ressource en eau
Le changement climatique impactera d’une manière significative l’ensemble des écosystèmes et ressources en eau de la Nouvelle-Aquitaine, ainsi que les usages de l’eau associés.
A l’heure actuelle, déjà :
- les prélèvements (470 Mm3 sont effectués chaque année dans les rivières, principalement par l’agriculture, l’industrie, le secteur énergétique et dans une moindre mesure l’alimentation en eau potable) sont trop importants au regard de l’eau disponible dans les cours d’eau mettant en péril leur faune et flore aquatiques,
- le fonctionnement hydrologique et la morphologie des rivières, des lacs et des étangs sont altérés (modification des berges, mise en place d’ouvrages impactant la continuité écologique des cours d’eau, infrastructures impactant le lit majeur des rivières,…),
- les rejets polluants de toutes natures, principalement diffus (nitrates et pesticides localisés principalement en zones de forte spécialisation agricole vigne/arboriculture/maïs et en zones périurbaines) sont excessifs,
- un tiers des masses d’eaux souterraines sont en mauvais état chimique (pollutions par les nitrates et les pesticides principalement), tandis que 15 % des masses d’eaux souterraines sont en déséquilibre quantitatif.
De plus, l’action de l’homme et ses conséquences, à savoir l’artificialisation des milieux, l’imperméabilisation et l’érosion des sols, le drainage, la destruction des zones humides et des prairies naturelles, le recalibrage des rivières, … ont bouleversé les équilibres naturels, accentuant ainsi les étiages, les crues et les inondations.
Nous préconisons de :
- Compléter le réseau de stations de mesure pour définir des seuils de gestion cohérents
- Définir un cahier des charges strict précisant les conditions de réalisation et de fonctionnement des retenues d’eau à des fins d’irrigation, justifiant une amélioration significative des milieux. Les retenues de substitution ne doivent être finalement envisagées qu’après étude de toutes les solutions alternatives, dans le cadre de projets de territoires conformément à l’Instruction du Gouvernement du 4 juin 2015
- Promouvoir et mettre en place des technologies propres et moins consommatrices d’eau, dans l’industrie
- Réduire la pollution des milieux aquatiques en privilégiant les actions préventives (réduction à la source des pollutions, en particulier) Poursuivre l’entretien doux des rivières, la restauration des zones humides et de la ripisylve
L’eau potable
Les eaux souterraines de la Nouvelle-Aquitaine, qui représentent une ressource stratégique pour la Région (les deux tiers des prélèvements annuels sont réalisés dans les nappes qui fournissent 80 % de l’eau potable de la Région) connaissent des pressions importantes. Pourtant, aujourd’hui, le coût de la protection de la ressource ne représente qu’une faible partie du prix payé par le consommateur, contrairement au coût de traitement de l’eau.
Nous préconisons de :
- Réserver les eaux souterraines profondes exemptes de pollutions anthropiques à la production d’eau potable
- Etendre à la Région Nouvelle-Aquitaine le programme RE-Sources initié en Poitou-Charentes, afin de préserver les ressources alimentant les captages les plus menacés par les pollutions diffuses (nitrates et phytosanitaires)
- Préserver et reconquérir la qualité des eaux brutes captées par des mesures agro-environnementales territorialisées adaptées permettant d’accompagner financièrement les changements vertueux de pratiques agricoles
- Inciter les communes et Syndicats d’eau potable à l’acquisition de terrains et à leur boisement dans les périmètres de protection ou les aires d’alimentation de captages sensibles ou stratégiques
L’eau et la biodiversité et les zones humides
Des zones humides qui fournissent de nombreux services aux territoires :
Les zones humides (typologie diversifiée) présentes sur l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Aquitaine sont reconnues comme patrimoine naturel exceptionnel, en raison de leur richesse biologique et des fonctions naturelles qu’elles remplissent : elles fournissent de nombreux services tels l’autoépuration ou l’écrêtement des crues ; elles façonnement les paysages caractéristiques de la Région ; elles fournissent des espaces de loisirs pour les habitants de la Région et pour les touristes… Mais elles sont soumises à de nombreuses pressions liées aux pratiques agricoles, à l’urbanisation, aux modifications du cycle hydrologiques…. Et continuent de disparaître.
Des écosystèmes qui accueillent des espèces patrimoniales :
Malgré l’état de dégradation actuelle des milieux aquatiques, la Nouvelle-Aquitaine accueille encore de nombreuses espèces patrimoniales inféodées aux milieux aquatiques (truite fario, chabot, lamproie de planer, moule perlière, écrevisse à patte blanche…), ainsi que des espèces emblématiques comme les poissons migrateurs, traits d’union entre les territoires et indicateurs de continuité écologique.
Ces espèces patrimoniales restent fortement vulnérables et soumises à de nombreuses pressions tout au long de leur cycle de vie, leur donnant le rôle de sentinelles de la qualité et de l’état écologique de nos cours d’eau.
Les atteintes irréversibles à la biodiversité mettent en danger la survie, dans des conditions acceptables, des espèces vivantes et de notre planète.
Nous préconisons de :
- Sensibiliser à l’importance des fonctions et services rendus par les zones humides
- Réaliser un inventaire cohérent entre collectivités territoriales, des zones humides à conserver, à protéger et à réhabiliter et porter ce travail à la connaissance du public
- Inciter financièrement et fiscalement toutes les actions permettant de valoriser les fonctions et services rendus par les zones humides, y compris leur acquisition
- Protéger et/ou réhabiliter les zones humides dégradées existantes
- Mettre en oeuvre les trames vertes et bleues
- Soutenir les actions de restauration des milieux aquatiques et de la biodiversité
- Restaurer la continuité écologique
Des usages respectueux de l’eau
La région doit conditionner ses aides aux pratiques favorables à l’amélioration de la qualité, voire à une gestion économe des ressources en eau et à une bonne information des publics quant aux pratiques des industriels, des agriculteurs, des collectivités et des ménages.
Une attention toute particulière doit être portée aux façons culturales.
Nous préconisons de :
- Soutenir les réseaux agricoles durables qui s’engagent à respecter la ressource en eau et avoir une politique volontariste à travers leur participation aux SAGE et SDAGE
- Moduler les aides à l’agriculture selon la diminution de l’utilisation des intrants et la non-utilisation des semences OGM et des Variétés rendues Tolérantes aux Herbicides (VrTH)
- Soutenir et accompagner les alternatives agricoles adaptées aux conditions pédoclimatiques et aux ressources en eau disponibles Mettre en place des systèmes de culture agro-écologiques économes en eau et en intrants
- Favoriser les pratiques non génératrices de pollution des eaux par des éco-conditionnalités en particulier le développement de l’agriculture biologique et de ses filières ; la généraliser en complément du couvert forestier dans les aires d’alimentation de captages d’eau potable
- Soutenir l’agriculture biologique et la valorisation de ses produits. Aider financièrement à la conversion
- Restaurer les milieux végétalisés en ville permettant l’infiltration de l’eau, et la poursuite du cycle naturel de l’eau
- Préserver et restaurer les éléments boisés du paysage : haies, bosquets, ripisylves, … ainsi que les surfaces en herbe, prairies permanentes ou temporaires
- Adapter les pratiques pour utiliser moins d’eau de manière générale, et moins d’eau potable en particulier, afin d’assurer une alimentation en eau potable
Les eaux littorales, une spécificité de la Région
Avec plus de 720 kilomètres de côtes et trois grands estuaires (Gironde, Adour, Charente), le littoral constitue une zone de transition et d’échanges entre les milieux terrestres et la mer.
Ces milieux supportent des excès générés par les activités humaines : sur-fréquentation, usage intensif, nuisances, pollutions… Les besoins en eau potable, les activités touristiques et économiques sont en concurrence directe face aux ressources.
La qualité des eaux côtières de la Nouvelle-Aquitaine est essentielle au développement des activités économiques, telles l’aquaculture ou le tourisme.
L’état dégradé de ces écosystèmes côtiers fragilise l’activité conchylicole, une activité fortement dépendante de la qualité du milieu (composition chimique, salinité et température liées aux apports d’eau douce des bassins versants amont en particulier).
Les zones conchylicoles de l’estuaire de Marennes-Oléron et du bassin d’Arcachon étant contaminées par des rejets, une solidarité entre l’amont et l’aval s’impose.
Il est donc indispensable de :
- Accentuer et améliorer la surveillance des eaux
- Développer la lutte contre la pollution en amont, en créant les conditions d’une solidarité amont-aval
- Conserver ou restaurer le très bon état écologique des « têtes de bassin » pour permettre l’atteinte du bon état sur la partie aval des cours d’eau jusqu’aux estuaires
La gouvernance
Un des points clés et d’innovation de la DCE est la participation de tous les acteurs ainsi que la consultation du grand public lors des différentes étapes de sa mise en oeuvre.
La réappropriation des enjeux liés à la gestion de l’eau par les populations est déterminante et nos organisations ont un rôle spécifique à jouer. Elles participent déjà à l’information, la sensibilisation, l’éducation de leurs membres et du public, ainsi qu’aux instances relatives à la gestion de l’eau. Elles contribuent, en outre, à enrichir les données sur l’eau.
- Nous proposons un suivi de la politique de l’eau, de ses résultats et l’évaluation des actions en continu pour réorienter les priorités. Les outils d’évaluation doivent donner une large part à l’analyse au regard du développement durable afin de bien croiser les dimensions économique, humaine, écologique. Cette évaluation doit être partagée entre les décideurs, les techniciens, les experts et les citoyens.
- Nous demandons à participer activement à l’élaboration des documents de planification régionale tels que le futur Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET).